transcription de l'article :
Un vieux château qui se change en mairie
M. Paul Richard, maire de Maxéville, fait avec nous le « tour du propriétaire ».
Nous avons relaté la semaine dernière l’acquisition faite par la commune de Maxéville.
Moyennant le prix de quatre cent mille francs en chiffre rond, elle est devenue propriétaire d’un château avec ses dépendances – sans compter deux modestes maisons d’habitation et une parcelle de terrain contenant une source dont le débit est capable d’alimenter le domaine tout entier.
Ne nous attardons pas trop à considérer si cette réalisation aurait pu faire, jadis, de délibérations permettant de traiter peut-être dans de meilleures conditions. Les soupirs, nos regrets ne changeront rien. Telle qu’elle se comporte actuellement l’affaire présente maints avantages qu’il n’y a pas lieu de dédaigner. Le parc deviendra, sans dépenses trop lourdes, un stade où la culture physique se complaira aux matches de football et aux exercices athlétiques. Quant au terrain qui descendait vers la voie ferrée entre deux ruelles, on a déjà quelque peine à le reconnaître…
M. Paul Richard, le sympathique maire de la localité, nous avait montré l’autre jour les changements subis par le quartier du centre. Le carrefour irrégulier et par cela même dangereux pour la circulation, a dégagé maintenant une visibilité que les murs du jardin restreignaient. Plus de murs ! Une chaussée très large ! Une rue droite comme un I majuscule ! Les risques d’accident ont disparu. Cylindrage et goudronnage achèveront à bref délai la métamorphose. Maxéville revêtira l’aspect d’un faubourg de Nancy la Coquette.
Avec ses baies où la lumière et l’air entrent à flots, avec ses portes toujours prêtes pour un accueil cordial, la future mairie semble inviter les visiteurs.
Sur les pas de M. Richard nous franchissons le seuil de cette vaste demeure. On éprouve tout d’abord une certaine surprise dans ce vestibule en apparence trop étroit, comme si l’architecte eût manqué du sens des proportions. De même l’escalier qui nous conduira au premier étage étonne par ce qu’il a de banal. On voudrait croire en matière de compensation, que la rampe en fer forgé sortit des ateliers de Jean Lamour ; mais rien n’autorise une telle supposition.
Et puis quel silence ! Quelle solitude ! On cède au désir de frapper le sol du talon, de hausser la voix, d’appeler quelqu’un, pour la joie de réveiller un écho dont le sommeil est si profond que la foudre elle-même ne lui causerait aucun émoi…
Par contre le nombre de pièces a de quoi ravir M. le maire de Maxéville.
Il constate :
Oh ! Nous avons beaucoup de place. Nos services fonctionneront à l’aise. Nous logerons notre secrétaire et sa famille en respectant l’indépendance dont chacun a besoin pour se sentir tout à fait chez soi…
Evidemment les progrès du confort moderne n’ont pas encore dit leur dernier mot. C’est une maison que les maçons, les plombiers-zingueurs, les peintres, les menuisiers disputent au Passé. Le délabrement des parquets, les teintes fanées du papier couvrant les murs, les espagnolettes qui refusent d’obéir, tout cela atteste un outrage des ans, une décrépitude avec laquelle contraste singulièrement les radiateurs du chauffage central.
Le siècle de la Pompadour, indique notre guide, n’avait pas idée de ça…
C’est parbleu vrai ! Les notions d’hygiène étaient plutôt rudimentaires. Mais on cherche malgré soi la cheminée immense où flambait alors un tronc d’arbre pour réchauffer les maîtres de céans : on gagnerait en pittoresque ce que l’on perd en commodité.
Justement pour obtenir cette commodité-là, des transformations seront opérées et les architectes ont du pain sur la planche – sur la planche à dessin.
M. Richard nous signale :
L’eau et l’électricité sont bien installées ; mais en revanche le gaz manque. Ni pour l’éclairage, ni pour la cuisine, les propriétaires anciens n’ont jugé utiles de l’amener chez eux.
Des obstacles gênent notre marche. Un tas de gravats, des madriers, des outils. Nous dérangeons les ouvriers en plein travail. Par intervalles, M. Richard arrête notre curiosité : tantôt il désigne un détail historique, tantôt il sollicite un avis, une critique, en nous confiant ses intentions :
Je me propose de réunir ces deux grandes salles, d’abattre la cloison qui les séparent. Nous disposerons ainsi d’un local qui servirait aux besoins pour les fêtes, les réceptions, les spectacles, les conférences… Une scène, un écran pour les concerts ou le cinéma… Qu’en dites-Vous ?
Ma foi. C’est tout à fait convenable. De même j’approuve l’aménagement de la terrasse en abri contre les bombardements, non sans observer que je ne tiens pas les cordons de la bourse et qu’il vaudrait mieux consulter les contribuables qu’un journaliste.
La terrasse en bordure de la rue Nouvelle, recouvre un souterrain. Les ouvriers ont mis à jour, par endroits, des clés de voute solides :
Nous laissons les choses en état, déclare M. Richard. Il suffira d’empiler des sacs à terre en cas de nécessité pour assurer efficacement la protection des habitants qui se réfugieront dans ces abris. Il n’y a pas de petites économies pour le budget communal
Notre interlocuteur aborde ainsi le côté financier du projet que Maxéville a réalisé :
Le domaine, avec son parc et son verger, s’étend sur une superficie d’environ deux hectares. Nous en avons commencé le lotissement. Les amateurs ne manqueront pas. Entre la mairie et le quai Gambetta, deux rues parallèles établiront une communication facile avec le centre. Nous avons entrepris d’important travaux et de canalisation : eau, gaz, égouts… On respire ici un air très pur… Voyez l’admirable panorama qui se déroule jusqu’au plateau de Malzéville… Je crois que notre commune se recommande d’elle-même aux amateurs d’agréable et saine villégiature…
Nous prolongeons le « tour du propriétaire », constamment intéressé par la tournure que prennent les conversations avec un maire soucieux d’exaucer les vœux de ses administrés.
Un seul souci, un seul nuage dans cette existence heureuse et tranquille : M. Richard déplore amèrement que le ministère de P.T.T. hésite devant le transfert d’un bureau de poste qu’il logerait sous le même toit que les services municipaux.
Cela coûterait si peu et cela serait si utile… Ce n’est pas à nous de supporter ces frais-là…Entre-nous, l’Etat a rarement l’occasion d’employer aussi bien notre argent !
A.L. L’Est Républicain 12 octobre 1936